Préface
Les rêves naissent avec nos premiers sourires…
Mais il nous faut un rien grandir pour nous en souvenir…
Et quelque peu vieillir pour les savourer.
En juin 1934, où je situe l’essentiel de cette aventure, j’avais 8 mois et j’étais incapable de mémoriser les événements et l’univers qui m’entouraient… J’ai traversé ces années 30 sans trop m’en souvenir…Des images fugaces de vacances à la mer et le départ de mon père pour une guerre qui allait m’en priver quatre ans… Dans ma solitude d’enfant unique je me suis passionné pour la lecture, dont la découverte de la bande dessinée… Avant de m’endormir, au lieu de compter les moutons, je m’inventais des histoires dont j’étais le héros. J’y incorporais souvent une petite sœur virtuelle que je protégeais et, parfois, une plus grande sur l’épaule de laquelle je m’endormais, le cœur triste de ne pas avoir été compris par les « grands »…
Des avions, j’en ai vu passer dans le ciel des centaines, chargés de bombes, qui allaient tout détruire… J’en ai construit des maquettes et le souvenir de la guerre estompé, je me suis passionné pour l’aviation civile que je croyais naissante… jusqu’à la découverte, dans le grenier de ma tante, d’une pile de revues des années 30… Il y avait des photos d’avions fabuleux! Des géants où se mêlaient le métal, le bois et la toile. Et cela avait volé, traversé des continents, des océans, sans que je m’en aperçoive!
Les années ont passé… En 1970, après 15 ans comme assistant auprès d’Hergé, qui m’a confié pas mal d’avions à dessiner pour Tintin, j’ai pris la liberté de voler de mes propres ailes en confiant à Yoko le soutien mes rêves… J’ai incorporé dans ses récits les petites et grandes sœurs qui avaient bercé mon enfance, car je n’ai jamais laissé Yoko vivre seule l’aventure…
Celle de l'album 26, "le maléfice de l'améthyste", n’échappe pas à la règle. Elle est menée en priorité au féminin et dans la fraîcheur des 14 ans d’Emilia, la protégée de Yoko depuis les deux précédents albums. J’ai maintes fois rêvé de posséder une machine à remonter le temps qui me permettrait de vivre ce dont je ne me souvenait pas. Mais retourner en 1934 aurait présenté pour moi le risque utopique de m’y rencontrer! Alors, qu’elles me pardonnent, j’y ai envoyé Yoko et Emilia à ma place et elles qui m’ont tout raconté à leur retour (Même ce qui n’est pas défini avec précision dans l’album)… Je vous propose donc, dans ce dossier, de les suivre entre les cases et de découvrir le « pourquoi » de certains choix et les logiques qui s’imposaient dans un récit où les paradoxes temporels ne simplifient pas les choses…
Roger Leloup